Hortefeux a du souci à se faire.
Les travailleurs immigrés dont il s’obstine à refuser la régularisation ne veulent plus raser les murs. Ils n’entendent pas être traités de clandestins alors qu’ils exercent honnêtement des métiers au service de la collectivité. Ils sont cuisiniers dans des établissements de restauration rapide où d’autres salariés déjeunent sur le pouce pendant la pause de midi ou préparent des mets délicats des repas d’affaires avenue de la Grande Armée. Et peut être bien que dans le restaurant du 10ème arrondissement qu’ils occupent pacifiquement, des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ont déjà dégusté le cassoulet qu’ils leur avaient mitonné.
Ces hommes et ces femmes, pour la plupart d’entre eux originaires de pays que la France a jadis colonisés, œuvrent à la propreté de nos rues, de nos aéroports, nettoient linges et costumes hâtivement déposés au comptoir du pressing. On n’en finirait pas de dresser la liste des entreprises de services dans lesquelles ces travailleurs “ sans papiers ” sont employés pour de maigres salaires – sort qu’ils partagent avec la majorité des salariés – et contraints au silence et à la docilité, à la merci d’une rafle à la sortie du métro, leur journée de travail terminée.
Non, ils ne veulent plus baisser les yeux à l’approche d’un uniforme, estimant à bon droit qu’ils ne devraient pas vivre la peur au ventre. Et pourtant, ils sont la proie désignée du ministre de “ l’Identité nationale ” dont la feuille de route fixée par le président de la République peut se résumer à peu de choses près au chiffre de 25 000 expulsions hors du territoire par an. La tâche n’exige pas de compétences particulières, à part une bonne dose d’inhumanité, dira-t-on. Erreur : le ministre joue la compassion. Certes, un jeune homme s’est noyé pour échapper à une arrestation qui l’aurait conduit en centre de rétention, ultime étape avant le tarmac de l’aéroport. Mais quelques jours plus tard, la radio nous annonçait que M. Hortefeux venait in extremis de délivrer un permis de séjour à une jeune femme soignée en France pour un cancer. Dans la France de Sarkozy, des hommes et des femmes sont pourchassés, séparés de leurs amis, arrachés à un pays où ils veulent vivre dignement de leur travail pour satisfaire les fantasmes xénophobes d’une partie de son électorat.
L’actuel hôte de l’Elysée s’était attaché pendant la campagne présidentielle à semer les ferments de division au sein de la population. “ La France qui se lève tôt ” contre celle des “ assistés ”, les travailleurs du privé contre les fonctionnaires, entre Français et immigrés. Diviser, diviser toujours pour parvenir au pouvoir, force est de constater qu’il ne parvient pas comme il le souhaiterait à diviser pour régner.
Ce n’est pas la première fois que des travailleurs sans-papiers entrent dans la lutte pour leur dignité. La CGT y a puissamment contribué. Des associations comme Droits Devant !!, des élus de gauche, des citoyens toujours plus nombreux les ont soutenus. De Buffalo Grill à la Grande-Armée, de Modelux à Paris Store, leur combat courageux a été plutôt populaire.
La forme spectaculaire de l’action engagée ces jours-ci témoigne d’une nouvelle étape. Frappés sur le pouvoir d’achat et la protection sociale, les salariés, avec ou sans papiers, sont aujourd’hui portés à la solidarité. En France et en Europe. Avec les travailleurs grecs des chantiers navals de Saint-Nazaire. En Roumanie, avec les métallos de Pitesti qui produisent la Logan pour Renault et les sidérurgistes du site Arcelor-Mittal de Galati.
“ Prolétaires de tous les pays, unissez vous ”, écrivait Karl Marx il y a déjà 160 ans en exergue du Manifeste. Beaucoup de choses ont changé depuis 1848, qui fut aussi, rappelons-le, l’année de l’abolition de l’esclavage, mais le besoin de s’unir, pour les salariés, reste la condition de leur force n